Formation professionnelle en Guadeloupe : le renouveau ?

Par - Le 01 mars 2013.

Voici plus de cinq ans, l'Afpa Guadeloupe fermait ses portes, accablée de dettes et sous l'accusation de mauvaise gestion. Depuis, la Région travaille à sa refondation, tout d'abord sous la forme d'un Centre régional de formation, puis sous celle d'un établissement public, “Guadeloupe formation". Récit

Les structures de la formation professionnelle en Guadeloupe ont subi nombre d'évolutions en moins de dix ans : liquidation judiciaire de l'Afpa Guadeloupe en 2007, création du Centre régional de formation professionnelle Guadeloupe l'année d'après, actuellement en cours de remplacement par un établissement public à caractère administratif (EPA). Alors que le chômage touche 57,6 % des Guadeloupéens de moins de 25 ans, le ministre délégué à la Formation professionnelle et à l'Apprentissage et la présidente de Région entendent que tous les dispositifs de formation soient mobilisés.

2007, le glas de l'Afpa Guadeloupe

L'histoire récente de la formation professionnelle en Guadeloupe a mis en lumière une série d'importants dysfonctionnements au niveau de la structure existante. Ainsi, le 3 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a sonné le glas de l'Afpa Guadeloupe. Au moment de la liquidation judiciaire, le total des dettes s'élevait à 14 millions d'euros (dont 5,2 millions de dettes fiscales et sociales).
L'augmentation de la masse salariale de 50 % entre 1997 et 2005, tandis que l'activité baissait de 25 %, était l'une des dérives constatées. Parmi les autres, répertoriées par des audits : le non-respect du Code des marchés publics, un recrutement “clanique", mais aussi un coût horaire des formations supérieur de 157 % à celui des autres centres de formation de la Guadeloupe, alors que le nombre d'heures-stagiaires était passé de 800 000 en 2003 à 500 000 en 2006 − une chute de 38 % entre 2001 et 2007. La Région a versé 102 millions d'euros en dix ans à l'association loi 1901, pour constater que l'argent public investi n'était pas utilisé aux fins prévues. Elle avait alerté les dirigeants. En vain.

Un audit du 22 septembre 2007 brossait le tableau d'une “association sur fond de conflits sociaux à répétition et un désordre administratif persistant [qui] a accumulé de plus en plus de déficits et des pertes importantes". Il soulignait “le risque pour la collectivité régionale de se voir réclamer par le Fonds social européen des sommes importantes qui auraient été versées à l'Afpa durant la période 2000-2004".

2008, le nouveau Centre régional de formation professionnelle

La liquidation de l'Afpa Guadeloupe n'a pas affecté l'Afpa nationale, car “il n'y avait aucun lien juridique entre les deux, juste un lien de cousinage", précise Gabriel Danino, directeur régional Alsace et responsable des relations avec les Dom-Tom pour l'Afpa. Mais elle a évidemment provoqué une onde de choc en Guadeloupe.

Le député et président de la Région Guadeloupe, Victorin Lurel − devenu depuis le ministre des Outre-Mer du gouvernement Ayrault − s'était alors saisi du dossier pour continuer à favoriser la formation professionnelle, en lui consacrant dès 2008 un budget annuel de 52 millions d'euros. Il s'est mobilisé en faveur de la création du Centre régional de formation professionnelle ([CRFP->
www.crfpguadeloupe.fr]) [ 1 ]Sous la forme d'une association loi 1901, chargée de remplir les missions de l'ancienne Afpa régionale, avec une gestion plus stricte, séparant notamment l'ordonnateur du comptable. sur trois sites achetés à l'État par la Région et rénovés : Petit-Bourg, Saint-Claude et Basse-Terre. L'Afpa de métropole a contribué au renouveau de la structure par le détachement d'un cadre qui a aidé à la mise en place du CRFP pendant deux ans. Elle a également mis à la disposition du centre du matériel pédagogique.

2013, Guadeloupe formation

Deux délibérations du Conseil régional de Guadeloupe du 26 février 2010 ont prévu la création d'un établissement public de formation professionnelle, sous l'intitulé “Guadeloupe formation". Chargé d'exercer des missions de service public de formation professionnelle qui lui sont déléguées par le Conseil régional de la Guadeloupe, il “est doté de la personnalité morale et de l'autorité financière [et] est placé sous la tutelle du Conseil régional". Dans les faits, le CRFP continue d'assurer ses missions.

Depuis, Victorin Lurel, devenu ministre, a été remplacé à la présidence de Région par Josette Borel-Lincertin, élue le 3 août 2012. “Nous arrivons au terme du processus de transformation de l'ex-Afpa", a-t-elle annoncé lors de la première réunion plénière de l'année, le 8 février dernier. “L'installation du conseil d'administration a été faite ce 6 février." Elle a conclu : “Nous sommes la seule Région de France à disposer d'un tel établissement public, et l'innovation qui en découle fait de nous un véritable service public de la formation. (…) Je crois raisonnable d'annoncer qu'à la fin du premier trimestre 2013, cet établissement sera à pied d'œuvre."

QUATRE "PISTES"POUR VALORISER L'APPRENTISSAGE

Thierry Repentin, en déplacement en Guadeloupe du 6 au 10 février, a conclu la réunion des CFA de Guadeloupe le 8 février en soulignant les orientations de la politique qu'il entend promouvoir en matière d'apprentissage. Les contrats d'alternance sont en effet en forte baisse sur la période 2011 et 2012 (voir graphique), que ce soit pour les contrats d'apprentissage (- 33 %, alors que sur la France entière, la hausse est de 1 %) que pour les contrats de professionnalisation (- 16 % dans la région contre - 8,6 % pour la France entière).
Il envisage quatre axes pour valoriser l'apprentissage. À commencer par l'amélioration des conditions de vie des apprentis. “Je sais que la plupart des CFA développent avec un soin toujours plus grand des actions d'accompagnement individualisé des apprentis. C'est pourquoi j'attache une grande importance au développement des projets de l'action « Formation en alternance et hébergement » du programme des investissements d'avenir, déployé par la Caisse des dépôts et consignations. Je sais que des projets sont en cours de gestation dans ce cadre en Guadeloupe, notamment autour de l'Université régionale des métiers de l'artisanat."

Mais le ministre souhaite aussi former des apprentis en plus grand nombre. “Le taux de chômage des jeunes de 25 ans est aujourd'hui dramatiquement élevé, a-t-il rappelé. Il est globalement de 22 %, mais la situation de la Guadeloupe est à cet égard bien plus préoccupante encore, puisque le taux y atteint 57,6 % !" Thierry Repentin compte s'appuyer sur les CFA, “qui doivent se mobiliser davantage encore qu'ils ne le font". Il a décidé de prolonger en 2013 le financement des développeurs de l'apprentissage. “Les deux développeurs attachés à votre Chambre de métiers et de l'artisanat et à votre Chambre de commerce et d'industrie pourront ainsi prolonger leur action, avec un ciblage particulier des entreprises qui n'ont jamais embauché d'apprenti ou eu une expérience malheureuse dans le passé."

Le troisième axe concerne la valorisation de l'apprentissage. Abordant un sujet sensible de l'actualité, le ministre a déclaré : “Les Régions ont clairement vocation à piloter et animer l'orientation, avec une dimension « métier » renforcée." Avant d'ajouter : “Les chambres consulaires doivent à mon sens trouver toute leur place dans l'orientation, à l'image de ce qui existe déjà dans certaines régions."
Enfin, le développement des partenariats à l'initiative des Régions et des services de l'État dans le cadre de concertation que constituent les comités de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) est vivement encouragé.
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1 500 EMPLOIS D'AVENIR PRÉVUS

Thierry Repentin a mis son séjour en Guadeloupe à profit pour signer les trois premiers emplois d'avenir. 1 500 recrutements sont prévus.
_, Ils seront également destinés aux jeunes diplômés, le ministre rappelant que “les territoires d'outre-mer (…), hélas, peuvent cumuler les difficultés rencontrées dans les quartiers d'habitat social et dans les zones rurales, autres territoires prioritaires". Il s'est aussi adressé aux jeunes présents : “Vous avez tous, à compter d'aujourd'hui, une opportunité : faire de cette expérience un parcours dont vous ressortirez avec une pratique professionnelle, mais aussi une qualification. Votre formation sera prise en charge et vous serez accompagnés pour la mener à bien, qu'elle se passe durant votre contrat ou au terme de celui-ci. Profitez-en !"

LA RÉUNION PRIORITÉ AUX DEMANDEURS D'EMPLOI

En 2011, la formation professionnelle a représenté plus de 37 300 places de formation à la Réunion, tout comme en 2010, annonce l'Observatoire régional emploi-formation (Oref), à l'occasion de la publication de ses derniers chiffes-clés. Mais “cette stabilité cache en fait une évolution différenciée des offres de formation selon les publics : en augmentation (+ 2 %) pour les demandeurs d'emploi, alors que le nombre de places est en baisse pour les autres publics (chefs d'entreprise et salariés)".

Ce recul pour les “autres publics" s'explique majoritairement par la baisse des offres de formation portant sur le perfectionnement et l'élargissement des compétences (- 54 %). Le nombre de places en formation proposées aux demandeurs d'emploi s'élevait à 33 000, soit une place ouverte pour quatre demandeurs d'emploi. Précisément 23 855 (71 %) concernaient des formations sans objectif d'acquisition de niveau : formations de remise à niveau dans les disciplines générales (français, lutte contre l'illettrisme, mathématiques de base) ou initiation à des compétences ou techniques transversales à différents métiers.

Après avoir baissé en 2009, le nombre d'apprentis a progressé de 6 % en un an, atteignant 3 855 jeunes au 31 décembre 2010. L'Oref détaille la répartition : 3 396 sont inscrits dans les CFA relevant du ministère de l'Éducation nationale, 369 dans ceux du ministère de l'Agriculture et 90 dans les autres sites de formation (CFA de l'Université, privés, etc.).

Notes   [ + ]

1. Sous la forme d'une association loi 1901, chargée de remplir les missions de l'ancienne Afpa régionale, avec une gestion plus stricte, séparant notamment l'ordonnateur du comptable.